Daniel Gonzalez-Socoloske, National Geographic Explorer: "Les dugongs favorisent la biodiversité et préservent les herbiers marins"
Pourquoi avez-vous choisi de venir nous parler des dugongs** ?
J'ai rencontré Prashant Mohesh, National Geographic Explorer mauricien aux États-Unis. Étant passionné par les lamentins, ma première question pour lui a été de savoir s'il y avait des lamentins à Maurice. Sa réponse a été négative. En menant des recherches approfondies, j'ai découvert que les dugongs, cousins des lamentins, et qui font partie de la famille des siréniens, vivaient autrefois dans les eaux mauriciennes. Les explorateurs français les surnommaient les « vaches de mer », probablement en raison de leur régime exclusivement herbivore. Chassées pour leur viande et leur graisse, ces créatures ont depuis disparu de Maurice. Les dugongs, en tant que maillons essentiels des écosystèmes marins, ont un rôle crucial à jouer dans la préservation de la biodiversité marine. Vivant sur les littoraux de l’océan Indien, l’océan Pacifique ouest et de la mer Rouge, les dugongs sont une espèce menacée.
Vous avez émis l'idée de les réintroduire à Maurice. Quelles conditions doivent être réunies ?
Les dugongs se nourrissent exclusivement d'herbes marines. Un individu peut en ingérer jusqu'à 40 kilos par jour. La première étape serait donc d'évaluer la présence de ces herbiers dans les eaux mauriciennes, puis de mener une étude approfondie sur leur distribution. Ensuite, il faudrait trouver des donateurs et travailler en collaboration avec la communauté locale. La sensibilisation et l'éducation de la population locale sur l'importance des dugongs dans l'écosystème marin seront également des éléments clés pour assurer le succès de ce projet de réintroduction.
Étant donné la disparition de la population de dugongs à Maurice au XVIIe siècle, quelles sont les implications écologiques et environnementales de leur réintroduction proposée ?
À long terme, les implications seraient positives car les dugongs enrichissent l'habitat des herbiers marins, ce qui favoriserait leur développement. Les conséquences bénéfiques se répercuteraient sur l'ensemble de l'écosystème marin. Les dugongs sont connus pour être des jardiniers marins, favorisant la biodiversité, produisant de l'oxygène et préservant les herbiers marins. Ils sont considérés comme des espèces parapluies. De plus, la réintroduction des dugongs pourrait également stimuler le tourisme écologique et contribuer économiquement au développement des régions côtières de Maurice.
Si nous réintroduisons les dugongs à Maurice, quelles sont les chances de succès de cette entreprise ?
Il est difficile de le savoir, car cela n'a jamais été fait auparavant. Toutes les choses qui en valent la peine sont difficiles, et il y aura certainement des complications et des défis à relever. Je ne peux pas vous donner de pourcentage de réussite, mais je pense que si les gens font preuve de patience et de persévérance, cela vaut mieux que de ne rien faire. Le succès de cette entreprise dépendra également de la mise en place de mesures de suivi et de gestion efficaces pour garantir la survie à long terme de la population réintroduite.
Que pouvons-nous faire pour soutenir ce projet ?
Tout le monde, des enseignants aux propriétaires de restaurants, peut sensibiliser autour des dugongs. Ils font partie de notre patrimoine marin. Les propriétaires de bateaux peuvent investir en prêtant leurs embarcations. De plus, les organismes gouvernementaux et les organisations internationales de conservation pourraient apporter un soutien financier et technique crucial à cette initiative de réintroduction.
L'Australie est l'un des pays où les dugongs sont présents dans leurs habitats naturels, notamment le long des côtes tropicales et subtropicales du nord de l'Australie. En raison de leur expertise dans la conservation et la recherche sur les dugongs, les scientifiques australiens sont souvent consultés pour des projets liés à cette espèce, tant au niveau national qu'international. Ils peuvent apporter une contribution précieuse à la compréhension de la biologie, de l'écologie et de la gestion des populations de dugongs, ce qui en font des candidats idéaux pour former un conseil scientifique dans le cadre du projet de réintroduction des dugongs à Maurice. Si le projet se concrétise, nous envisageons de réintroduire 10 mâles et 25 femelles là où les dugongs auraient plus de chances de prospérer.
**Les dugongs font partie de la famille des siréniens. Les siréniens sont un ordre de mammifères marins herbivores comprenant les dugongs, ainsi que les lamantins. Les dugongs (Dugong dugon) et les lamantins appartiennent tous deux à la famille des Dugongidae, sous-ordre des Sirenia. Ces créatures marines sont caractérisées par leur corps massif, leurs nageoires pectorales en forme de palette et leur régime alimentaire principalement herbivore, se nourrissant d'herbes marines.